Le Fax
Roman - 1997
"Le Fax" est un roman sur le Paris d'aujourd'hui. Pas le Paris des salons, des défilés, des boulevards de luxe et de l'industrie du parfum, mais le Paris des quartiers pauvres, de la saleté, Paris des races et des couleurs, Paris des coins oubliés, des bistrots enfumés, Paris des hôpitaux et des embouteillages, Paris des grèves, Paris fin de siècle, Paris: Chaos.
La conteuse, en recherche désespérée d'un appartement, se fait engager par le détective Sam Flax pour éclairer le meurtre du fameux parolier Nestor Gorda qui vient d'être assassiné devant son hôtel particulier, Boulevard Montparnasse.
La recherche (qu'elle effectue avec l'aide de la danseuse Dora Love et de son amant polonais Cézar) la mène à travers le Paris mondain du glamour et du show-biz, des bars homosexuels et des cafés littéraires pour finir dans la villa du parolier assassiné. C'est ici que la conteuse trouve un dossier rempli de Fax et la deuxième partie du roman débute.
"Le Fax" : un récit moderne et sauvage, un roman avec la ville comme tourbillon, qui emporte les hommes et les destins!
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Comme un automate, je sortis de l'appartement. Il faisait beau et la statue de la République recevait un rayon de soleil sur sa branche de laurier, d'olivier. Je m'arrêtais un instant devant la statue en clignant des yeux. Du laurier ou de l'olivier ? Elle le tenait délicatement entre le pouce et l'index. En vieillissant je commençais à ne plus pouvoir voir de près, ni de loin, ni dans le noir. De l'olivier, je crois. "La République" ne m'en voudrait pas.
Je traversais la place et passais devant chez "Tati". Je n'y entrerai pas aujourd'hui. Chaque fois que je passe devant la porte de chez "Tati", avant de m'engouffrer à grouiller, à picorer les vêtements à bon marché, je me souviens de l'attentat. Sept morts, cinquante et un blessés. Je n'entrerai pas chez "Tati" aujourd'hui, me dis-je en prenant la rue Béranger juste derrière. De grandes affiches apposées sur les kiosques à journaux : "L'Enigme Mitterrand".
Sam Flax serait-il chez lui ? Beaucoup d'enfants chinois dans cette rue Béranger. La façade du siège de "Libération". Soi-disant journal de gauche dont le PDG, ancien soixante-huitard, a l'air du cadre capitaliste des années quatre-vingt-dix. Pas de morale, pas de souvenirs, rien que du plastique, du béton, de l'arrivisme et actuellement quatre-vingt-dix licenciements.
Une jolie fille, petite chinoise, la clope à la main, les lèvres rouges, a l'air de déambuler les hanches vers son destin. Deux africaines, détendues, un arabe aux cheveux blancs, des magasins de vêtements, de vêtements, de vêtements. L'air, glacial. Je suis si excitée que je ne le sens pas. Un jeune chinois décontracté. C'est fou ce qu'il y a comme chinois rue Béranger. Un flic se caille le cul devant une école. Je traverse pour entrer dans la rue Charlot. Un autre flic se caille le cul sur les clous. Deux sri lankais rigolent. Un postier antillais sifflote en distribuant son courrier. Je manque de me faire écraser par une voiture sortant d'un porche. Les pigeons chient au bord des toits.
Sam Flax parle-t-il français ? Une dame aux cheveux blancs, une canne et un cabas à la main. La puanteur du gaz des bagnoles, un marchand de boutons, un marchand de pianos, un marchand de saxophones, des rigoles de chiens qui pissent rue des Quatre-Fils. Je m'arrête sur un banc. J'ai le coeur qui s'emballe. " Réfléchis, Sam va peut-être t'envoyer promener. "Je parle tout haut sur mon banc. Un mec me prend pour une folle. J'écris mes gants rouges aux mains. Ca caille. Une cloche! Un magasin de vêtements Vienne-Paris-Londres; des jambes de mannequins en vitrine avec au-dessus : "Devoted to women". Une affiche de Robert Doisneau, le grand photographe, mort le jour de sa consécration au Musée Carnavalet. Un livreur avec des cartons. De quoi ? De glace! Un homme court légèrement.
Où suis-je ? Rue Vieille-du-Temple. Comment peux-t-on avoir la vue qui baisse comme ça tout d'un coup ? Le coup de vieux, les rides et l'aveuglement en même temps. Hôtel de Rohan. La cour intérieure, une Jaguar. Les Archives Nationales où notre nouveau Ministre de la Culture, ancien médecin, maire de Lourdes, s'est octroyé un appartement de fonction. Tout le dernier étage. Une autre cloche, plus grave. Un embouteillage. Encore une cloche. Rue des Rosiers. Au coin, un café, "Amnésia". Un vendeur de journaux à casquette vend "l'Actualité Juive". Il vend à un barbu à lunettes au milieu de la rue. Je suis au 31. Falafels à emporter, salon de Delicatessen. Gastronomie d'Europe Centrale et Russie. Couscous Casher. 25. Boutiques de fringues. Boulangerie-Patisserie. L'as du falafel. Agence de voyage. Lunettes en 1 heure. Je devrais m'arrêter là. Pita Burger, mes papilles s'activent. Une femme au manteau jaune et fichu écossais se balance sur une chaise. Goldenberg. Les trous de balles. Le 12, complètement délabré, tous les volets sont fermés, sales, certaines fenêtres sont murées. A côté une Charcuterie-Traiteur-Boucherie-Volailles. J'ai l'impression que l'immeuble est condamné. Il faut que je prenne un café. Mon coeur me pique.
Je m'installe au café des Psaumes. Je sirote un bon café. Je ressors. 12. Une plaque sale : Sam Flax-Investigations en tous genres- Je sonne. Pas de réponse. J'insiste. Rien. Les volets sont clos. Sam Flax aurait-il déménagé ? Encore une fois. Une voix capharnaeuse au fort accent yiddish me hurle dans l'oreille que Sam Flax n'est pas là, qu'il a eu un accident et qu'il est à l'hôpital. La voix qui sort de l'interphone rajoute : " Bonne journée! ". Sam Flax aurait-il eu un accident de voiture ? Je rentre chez moi...