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Die Schickse - extrait audio 3
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Le lendemain, on vit un petit homme entrer dans le hall de "l'Interconti" et tourner à droite pour se présenter à la réception. Il avait l'impression de s'enfoncer dans la moquette comme dans des sables mouvants. Une cravate rouge autour du cou, caché par le comptoir de la réception il hurla pour demander la chambre deux cent vingt-deux, au point où la standardiste échappa le récepteur téléphonique qu'elle tenait dans la main. On mit un groom à la disposition du Docteur Sam Flax pour le conduire à travers l'ascenseur et les couloirs jusqu'à la chambre de la mère de Moïse. Le groom en uniforme et Sam Flax avaient l'air de sortir d'un magasin de jouets. Monsieur Flax serrait sur son coeur un porte-documents lié à son poignet par une chaîne de métal.
La mère de Moïse fut réveillée. Elle reçut Monsieur Flax en chemise de nuit tout en prenant son petit déjeuner. Sam Flax sortit une clé de sa poche pour ouvrir la serrure, détacha la chaîne de son poignet, grimpa sur un fauteuil et disparut entre les coussins avec la mallette. La mère de Moïse lui proposa un thé qu'il refusa parce qu'il ne buvait pas pendant le service. "J'ai localisé votre fils et votre future belle-fille, obtenu le code de leur immeuble et les ai suivis hier soir. Ils sont allés manger dans un restaurant proche de leur domicile  : Le Djurdjura. Le patron, Nasser leur a offert à dîner. Un couscous kabyle à l'huile d'olive vierge. Ils ont bu du Coteaux de Tlemcen. Une prostituée, prénommée "Beaux Yeux" les a rejoints en disant qu'elle fumait sa vie, que les chiens étaient dans les miroirs, et qu'elle avait perdu ses clés. Ils ont beaucoup mangé et fini la soirée en buvant de la Boukha. Ils sont rentrés chez eux en riant très fort et votre future belle fille a fait ses besoins dans le caniveau. Il était quatre heures du matin.»
Le docteur Flax ouvrit sa mallette, en sortit une photo et la donna à la mère de Moïse. Elle représentait son fils, hilare, sa schickse comme animée sur l'image fumant une cigarette et une femme plutôt âgée aux yeux clairs à qui il manquait une dent sur le devant. La mère de Moïse eut honte. Elle ne le montra pas mais pensa que Moïse était perdu. Peut-être l'avait-elle drogué ? Elle dit à Monsieur Flax de la laisser, que le prochain rapport aurait lieu par téléphone car elle quittait la France aujourd'hui même. C'est elle qui le contacterait. Monsieur Flax, demanda la moitié de ses honoraires, sept mille cinq cent dollars moins l'avance, les obtint en liquide et s'en alla, ravi.
Elle prit un comprimé pour calmer sa douleur, fit sa toilette, sortit, traversa la rue de Rivoli et pénétra dans le jardin des Tuileries. Il faisait chaud. Un vent frais du matin faisait friser l'eau des bassins. Elle s'assit et regarda les enfants et leurs voiliers miniatures s'amuser sous le regard de leurs parents ou de leurs employés. Elle se souvint de ses propres fils qui l'aimaient tant, enfants, qui lui vouaient même un culte. Il ne fallait pas faire de mal à maman, maman était adorée, maman était caressée. Moïse lui brossait les cheveux, le soir avant d'aller se coucher. Ce manque de tendresse la déchirait, et puis ce qu'elle venait d'entendre la glaçait. Elle sentait bien que Moïse était perdu à jamais. Moïse sortant avec une prostituée et avec sa schickse !
Son mari à elle, n'était jamais sorti avec elle en présence d'une prostituée ! Son mari l'avait trompée dignement. Tout s'embrouillait dans sa tête. Elle se leva et marcha à travers les allées, puis baissa la tête. Elle se sentait agressée par ces corps statufiés, calmes, lisses, érigés vers le ciel, libres. La schickse avait tourné la tête de Moïse avec son sexe. Elle imaginait Moïse et sa schickse dans des lieux et des positions rocambolesques. Dans un ascenseur, en haut de la Tour Eiffel, dans un taxi, dans le compartiment d'un train, sur une plage. La schickse nue, les seins pointés en avant, petits et drus, Moïse de ses mains lui tenant fermement la taille et la faisant sauter sur son sexe dressé. La schickse, la bouche ouverte, et les fesses, s'offrait à Moïse et à tous les hommes qui passaient à la queue leu leu. Ils l'embrassaient, bavaient, l'excitaient avec leurs doigts et leurs langues, lui faisaient sortir des cris d'animaux sauvages.
Elle leva les yeux sur "Diane Chasseresse" et pensa à l'unique fois dans toute sa vie où elle avait ressenti un peu de plaisir avec le père de Moïse. C'était après la guerre. Le père de Moïse avait fait l'acquisition de son premier terrain, et elle s'était confectionnée une robe de soie naturelle. Elle avait bien réussi la coupe qui arrivait à masquer pas mal de ses défauts. Le père était heureux. Ils avaient dîné à la vodka polonaise. Les enfants étaient au lit et elle qui ne buvait jamais avait accepté quelques verres cul sec. Passablement éméché le père l'avait roulée sous la table et contrairement à l'habitude avait commencé à lui dire des mots d'amour, l'avait caressée avec l'herbe du bison, l'avait embrassée tendrement et n'était pas entré en elle violemment. Elle avait senti ce jour-là une chaleur envahir le bas de son ventre puis son corps tout entier, un courant continu, des orteils au cerveau, un flux et un reflux, le sentiment d'être la mer. Puis, plus rien. Plus jamais.
Elle se demanda qui devait être cette femme fixée dans la pierre, quitta le jardin des Tuileries, traversa de nouveau la rue de Rivoli, régla la note de l'Interconti et quitta Paris.

Die Schickse
Roman
1996

Die Schickse : Mot yiddish, signifiant de façon dédaigneuse : traînée, garce, salope, non juive.

" Die Schickse est un grand roman, prenant, sur l'amour d'une non juive et d'un juif dont la famille ne peut pas accepter la relation, avec en filigrane l'histoire allemande et l'holocauste."
Présentation de l'éditeur Schöffling.

> www.schoeffling.de (Editions)

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